
Peter Nonnenbroich est entraineur de l’équipe Nationale 2 et du CFCP du RC Cannes. Il était le mois dernier en déplacement en Azerbaïdjan invité par la Fédération Internationale de Volley-Ball (FIVB). Nous lui avons demandé de nous présenter sa mission. Nous avons profité de lui poser diverses questions de volley-ball.
Peter, peux-tu nous en dire davantage sur l’objet de ton récent déplacement ?
Je suis instructeur de la Fédération Internationale de Volley-Ball pour la formation des entraineurs. Il y a 3 niveaux de qualification, je suis instructeur de niveau 3 (le plus haut niveau) depuis de nombreuses années. Je prépare les candidats à l’obtention du niveau le plus élevé de la FIVB. Nous sommes très peu d’instructeurs au monde à ce niveau.
Comment es-tu devenu instructeur ?
J’entrainais l’équipe nationale de la Suisse, suite à cela je suis venu en France au Racing Club de France à Paris. Nous avons gagné, avec l’équipe que j’entrainais, deux fois le championnat de France. C’est à ce moment que j’ai été nommé instructeur par le président de la Fédération Internationale de Volley-Ball.
Explique-nous, que représente la fonction « instructeur ».
La FIVB délivre des diplômes qui permettent aux entraineurs de travailler partout dans le monde. Nous organisons plusieurs stages tous les ans sur tous les continents. Parfois les sessions durent une dizaine de jours, d’autre fois cela peut durer plusieurs mois.
Comme je suis instructeur de niveau 3, je donne aussi souvent les cours de ce niveau. C’est la plus haute licence que la Fédération Internationale donne aux entraineurs. Pendant ma carrière d’instructeur j’ai travaillé sur tous les continents du monde dans plus de 30 pays différents.
Pendant les stages, il y a des cours théoriques et il y a des examens pratiques ou nous regardons la capacité des participants à entrainer.
Le niveau 1 – HOW TO PLAY – est le plus simple, le niveau 2 – HOW TO TEACH – est plus élevé et au niveau 3 – HOW TO COACH – les candidats doivent entrainer, faire des séances sur un thème concret, sur des sujets envoyés avant le début du stage. C’est un peu comme un tutorat.
Et à la fin on donne la licence. Ou pas ! Ce n’est pas facile de voir parfois des adultes qui sont déçus, mais c’est comme ça.
En quelle langue communiquez-vous ?
La langue dépend toujours du pays. Les langues officielles de la FIVB sont l’anglais, l’espagnol, le français et l’arabe. Il y a quelques années, j’ai donné un cours en République Dominicaine en espagnol, mais mon espagnol est tellement approximatif que c’est devenu plutôt un esperanto. Mais je travaille aussi en anglais, français et un peu en italien et russe.
Qui peut participer à ces formations ?
Ces formations sont ouvertes mondialement. Cette fois, en Azerbaïdjan les participants sont venus évidemment d’Azerbaïdjan, mais aussi d’Iran, de la Turquie, du Malaisie et l’Italie… Tout le monde ayant la qualification nécessaire peut s’inscrire.
En France on voit la difficulté, certains clubs ferment leurs portes. Comment tu expliques cette difficulté ?
Il y a un aspect certainement économique. Il y a beaucoup de clubs qui vivent seulement de subventions. Ils n’ont pas de sponsors, les clubs dépendent d’aides mais les impôts à payer sont importants ! Dans certains pays on ne paie pas des taxes aussi élevées, parfois même pas de tout.
L’autre raison vient certainement du changement de la société aussi. Autrefois, le samedi soir on allait regarder un match, aujourd’hui qui se déplace ? On peut regarder les matchs sur son portable, plus grand monde ne bouge. S’il n’y a pas de spectacle, cela n’intéresse personne.
Autrefois, on venait pour regarder le sport, soutenir « son équipe » aujourd’hui c’est le spectacle qu’on cherche. Mais ça, c’est une question de société. Est-ce que c’est bon ou pas, la discussion est ouverte…
Vous avez parlé en Azerbaïdjan, j’imagine, de « où va le volley-ball »? Est-ce que c’est bien s’il y a des changements dans le jeu ?
D’abord, c’est l’argent qui dirige tout. On voit les pays qui montent, qui descendent de niveau en volley-ball : où on met l’argent, ça explose ! Et aujourd’hui on peut, en relativement peu de temps, monter assez haut.
Nous en avons beaucoup discuté de savoir si c’est bon : par exemple, naturaliser des joueurs pour changer l’équipe et jouer pour un autre pays. Même moi, je l’ai déjà fait avec des équipes nationales, que j’ai entraînées. Est-ce que c‘est bon, pas bon ? Ça se discute ! Ce qui est sûr, c’est l’argent qui commande.
Si on regarde les jeunes, les françaises ou les européennes, c’est chaud de leur dire : vit 100% pour le volley. Il n’y a pas assez d’argent dans le volley-ball. On perd certainement pas mal des talents sur la route qui disent « désolée, le volley est sympa, mais m’entrainer 2 fois par jour, pour pas assez de salaire, je ne peux pas. Je préfère faire des études, travailler, suivre des formations professionnelles, préparer mon avenir. » Souvent il faut dire « vas-y, il est mieux de construire ta vie sur d’autres bases ».
Quand même il y en a quelques-unes qui arrivent à bien s’en sortir. J’ai eu par exemple deux joueuses qui sont parties en Corée avec un contrat de 200/300000 euros par an. Là, on peut dire, cela vaut le coup. Après trois ou quatre ans elles reviennent avec l’argent à la banque. Mais il n’y a pas beaucoup d’histoires comme ça.
Je vais souvent en Slovénie pour des stages de préparation avec mes équipes nationales. Là-bas, le statut de sportif est différent. Si tu es membre d’une équipe nationale, on te demande « qu’est-ce que je peux faire pour toi » ? Ça facilite le chemin après ta carrière sportive. Aujourd’hui en France ou dans mon pays l’Allemagne c’est plus difficile. Autre fois, je me souviens, en Allemagne de l’Est surtout, avec le sport de haut niveau ta vie était toute tracée, sans problème. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas.
Est-ce que le jeu de volley-ball évolue positivement ?
Le jeu est certainement plus dynamique qu’avant. Mais est-ce que tous les changements que l’on a mis en place sont vraiment bons ? Moi, je trouve qu’autrefois le jeu était plus intéressant. Aujourd’hui c’est souvent très stéréotypé. Si on me disait : « tu joues au centre et tu ne joues que la moitié du match », cela ne m’intéresserait pas. Je voudrais jouer le match entier.
Le volley-ball des filles se rapproche en plusieurs éléments de plus en plus de celui des garçons. C’est ce que j’essaie de faire aussi avec notre équipe du CFC à Cannes.
Mais il y a certainement quelque chose qui manque dans le volley-ball. Quand tu regardes par exemple un match de basket, la salle est pleine avec une grande ambiance. Ce nombre des spectateurs n’existe pas au volley-ball. Pour trouver en France un match de volley qui se joue à guichets fermés, il faut aller loin. En d’autres pays c’est parfois un peu mieux, mais cela reste compliqué.
Pour revenir en Azerbaïdjan, vous étiez combien ?
25 participants inscrits et nous avons donné 9 licences.
Quelles sont les critères ? Pourquoi est-ce si difficile d’avoir cette licence ?
Il y a la gestion du groupe et la question du « in » ou « out of topic *». Et là, je suis très sévère. Souvent les entraineurs me disent « j’ai fait jouer ». « Mais désolé, tu as fait jouer, mais tu es « out of topic ». Moi, j’insiste sur un entrainement spécifique, sur un thème précis et on ne joue pas juste pour jouer ! Aussi, au niveau de la préparation, il faut que les candidats arrivent à faire quelque chose de vraiment précis. (*approprié ou hors sujet)
Pour cette session, j’ai examiné une ancienne internationale d’Azerbaïdjan, qui travaille aujourd’hui au comité olympique, qui entraine une équipe sélection nationale junior. Malheureusement je n’ai pas pu lui donner la licence. Elle était « out of topic » malgré nos recommandations données par avance. Cela n’était pas suffisant. En plus elle n’a pas su expliquer pourquoi elle fait son entraînement comme cela. Les critères sont donc difficiles pour réussir cette licence. Mais c’est normal parce qu’avec cette licence on peut entrainer partout dans le monde. Je la donne avec mon nom sur le certificat seulement à ceux qui le méritent. Il faut que je l’assume.
Après 24 titres majeurs de coupes et de championnat, qu’est-ce que tu as encore comme rêve avec le volley-ball ?
J’ai connu des championnats nationaux et continentaux en Europe, en Asie et en Afrique. J’ai participé à 4 championnats du monde. Le 5ème sera dans deux ans avec Cameroun. Nous sommes déjà qualifiés.
La seule chose qui me reste, c’est que j’aimerais bien faire ce sont les jeux Olympiques. Je voulais y aller avec Cameroun en 2024, mais nous avons raté de très peu la qualification. Je ne sais pas si je serai encore actif et présent dans 5 ans pour la prochaine qualification…
Cette année, j’ai un objectif personnel au RC Cannes. J’aimerais bien gagner le championnat avec l’équipe N2 et la Coupe de France M18.
Ça serait bien ! Nous travaillons dur avec les filles pour cela.